mardi 18 août 2009

Janis


On commémore ces temps-ci le quarantième anniversaire du rassemblement de Woodstock, considéré comme le point culminant du mouvement hippie aux USA.
Or il y a eu un autre festival deux ans auparavant, le premier de l'Histoire, dont on a également tiré un film « Monterey pop », bien plus intéressant sur le plan musical..
Il a été mon film-culte à moi, celui que j’ai été voir et revoir plus de dix fois au cinéma. C’est là que j’ai vu pour la première fois, à côté d'artistes déjà connus comme Otis Redding, un certain nombre de musiciens dont la renommée était encore plus ou moins confidentielle en France à cette époque : Jimmy Hendrix, Jefferson Airplane, Cannet Heat, les Byrds, Grateful Dead, les Animals, les Who… On trouvera ici la liste de tous les participants de ce festival qui a duré trois jours et où les artistes ont tous joué gratuitement (Ce qui explique en partie que ni les Stones, ni le Beatles, déjà fortement encadrés sur le plan commercial, n’y étaient).

Mais celle qui m’a vraiment scotché sur mon fauteuil, d’autant que j’en n’avais jamais entendu parler, c’est Janis Joplin dans Ball and Chain.
Contrairement aux autres qui étaient frigués à la mode hippie multicolore et extravagante, elle était en tunique–pantalon en maille claire, très classe, avec des mules à petit talon, mais sa furieuse chevelure en vrac.
Malgré son calamiteux guitariste, lorsque ce petit bout de bonne femme se mettait à rugir ho-o, wowou-wowou-wo, en frappant du pied, j’avais le cœur qui en oubliait de battre, me disant que ce n'était pas possible, qu'elle allait rendre ses tripes sur scène... ( Mama Cass, l'imposante chanteuse des Mamas and Papas que l'on voit en plan de coupe est tout aussi stupéfaite de la performance.)


Janis Joplin Monterey Pop Festival 1967 (Ball and Chain)

J’ai revu ce film une fois, plus de vingt ans après, avec mon fils déjà adolescent.
Entre temps, beaucoup de ces artistes étaient morts prématurément : Ottis Redding, Mama Cass, Keith Moon, (le batteur des Who), Jimmy Hendrix et Janis Joplin. Overdose d’héroïne pour elle.
Quand, ressuscitée à l'écran, elle a attaqué Ball and Chain et qu'elle s’est remise à éructer comme un diable, je m’ai pu retenir mes larmes dans cette salle obscure en pensant à son destin épouvantable.
Par quoi est alimentée une telle rage, une telle souffrance ? C’est un mystère. Celui de l’artiste qui, d’une certaine manière, a la chance de pouvoir en faire quelque chose de socialement utile en médiatisant ses émotions par une technique. Mais on ne dira jamais assez combien il est souvent sur une corde raide, à la limite de basculer définitivement dans son mode intérieur, celui de l’indicible et de l’enfermement suicidaire sur soi.
L’artiste a droit au respect. C’est grâce à lui que le bourgeois peut se donner des frissons à contempler l’horreur, le sublime ou la passion extrême sans prendre de risque pour lui-même. Parce que c’est l’artiste qui les prend à sa place.

4 commentaires:

  1. Un déchirement atroce. Janis Joplin se mutile, ouvre toutes grandes ses blessures, qui sont celles de tous les hommes, pour une sorte de rédemption. Un Jérôme Bosch, un Soutine, la marche au supplice de la Fantastique, le Cri de Munch : la douleur universelle jetée à la face du monde.
    Le moins stupéfiant n’est pas son sourire d’enfant après l’horreur qu’elle faisait sentir. Une renaissance, la bouffée d’air après l’apnée.
    Non, tout cela n’était pas sincère, c’était plus : faire sortir sa souffrance pour montrer qu’elle peut être partagée.
    Merci Léon.

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  2. C'est vraiment ça. C'est moi qui te remercie.

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  3. Léon, bonjour,

    A propos de Janis Joplin, me revient à la mémoire un bouquin publié autrefois par "Rock and Folk" (couverture de Solé) et qui s'intitulait "Janis".

    Il s'étendait longuement sur son adolescence et ses difficultés de communication à cet âge difficile.

    Cruelle version d'un de ces ineptes concours de popularité en cours outre Atlantique, elle avait été élue une fin d'année scolaire par ses "camarades" de collège :

    "Le garçon le plus moche de l'école".

    C'est par cette lecture que j'ai eu envie de goûter pour la première fois le "Southern Comfort" et aussi ce cocktail dont j'ai appris plus tard qu'il était particulièrement apprécié par les soldats noirs des bases américaines en Allemagne :

    Moitié bourbon et moitié sirop d'orange sur glace.

    Très poisseux.. mais se boit comme du petit lait.

    La chanson d'elle qui me bouleverse : sa version du summertime de Gershwin..

    http://www.youtube.com/watch?v=u7Ac3eRarGI

    GB

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  4. Salut GB !
    Summertime est aussi une de ses interpétations que je préfère.
    Moitié bourbon, moitié sirop d'orange sur glace, dites-vous ?...

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