mercredi 1 juillet 2009

Un rêve de Baïkal


Ah le lac Baïkal, le père de tous les lacs, le plus grand, le plus profond, le plus ancien du monde !…
Comme Boris Vian, « je voudrais pas crever » avant d’avoir bû de son eau, contemplé ses nuits bleues d’hiver, observé ses nerpas, phoques d'eau douce aux yeux globuleux, des yeux pour les plongées des grandes profondeurs. Je voudrais goûter l’omoul fumé, l'offrande que le lac fait à ses visiteurs.
Je voudrais voir cette golomianka et vérifier qu’on ne m'a pas raconté d’histoires, qu’il s’agit bien d’un poisson transparent, que je peux lire mon journal à travers, qu’il se liquéfie au dessus d’une température de 7 °ne laissant plus que les arrêtes.
Je voudrais me baigner l’hiver dans ses sources chaudes, au milieu de la neige, observer les furtives zibelines. J’aimerais rester la nuit à écouter les loups hurler avec l’espoir de les voir se découper à l’aube, au loin, sur la lune blanche.
Je me réfugierai dans la tiédeur d’une isba de bois et je tremblerai en apercevant un ours en hiver, un de ceux que les Sibériens appellent chatoun, un de ces animaux devenus fous par une carence de graisse qui, au lieu d’hiberner, errent sans fin dans la taïga, jusqu’à en mourir.
Je verrai peut-être cet aigle de Sibérie qui, dans la chanson, apportait au soldat le salut de Katioucha, celle qui "gardait l’amour" pendant que lui, "gardait la patrie".
J’aimerais tant vérifier que l’eau du lac est si claire qu’on en voit le fond jusqu’à 40 mètres et me jeter en été dans ses eaux glacées pour me guérir de tout, parce que les chamans bouriates m’auront révélé que le lac n’est pas un lac mais un être vivant, un magicien et un guérisseur. Mais aussi un « vieux » susceptible et colérique.

Je voudrais trinquer avec les Sibériens, ceux dont les Russes vous souhaitent d'avoir la santé, goûter leur vodka si pure grâce à l’eau du lac, chanter avec eux à quatre voix, debout sur la falaise, espérant que le sarma, l'un des vents furieux du Baïkal en fasse parvenir les notes à d’autres humains sur la rive d'en face.
J’aimerais voir comment, l’hiver, des aiguilles et des dentelles de glace semblent crachées par le lac, enfants violents des masses liquides qui s’entrechoquent et que le froid semble figer pour l‘éternité…

Baïkal, ô mon Baïkal, je ne sais si tu es mon Arbat à moi comme dans la chanson d’Okoudjava : « ma religion, ma joie et mon malheur »…

Mais tu es surtout mon rêve de nuit bleue.

(Photo : Sylvain Tesson, Thomas Goisque)

8 commentaires:

  1. Pour répondre à une question : "Katioucha" est une chanson russe de la 2e Guerre très célèbre, dont la mélodie a été reprise en France sous le titre "Kazatchok". Elle raconte comment une jeune fille est venue chanter sur la berge une chanson sur l'aigle des steppes, sur celui qu'elle aime et souhaite que ce chant arrive juqu'au soldat qui défend la patrie pendant qu'elle lui conserve son amour.
    La 2e chanson à laquelle je fais allusion est d'un auteur-compositeur-interprète qui est un peu l'équivalent d'un Brassens russe, Boulat Okoudjava, aujourd'hui décédé. Sa chanson sur l'"Arbat" qui est une des plus anciennes rues de Moscou est célèbre.

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  2. Je voudrais rebondir sur l'article "Le goût de la nature" mis en lien : "le lac sibérien comme l'archipel pacifique sont des anomalies préadamiques, la survivance de luxuriances anciennes, l'écho sauvage des temps édéniques".
    Sans avoir jamais vu le Baïkal, je peux vous assurer que de parler de "luxuriances anciennes" et de "temps édéniques" en ce qui concerne les Galapagos est une imposture majeure ! ( c'est pelé, venteux, désolé - d'ailleurs c'est un ancien bagne - la faune est éminemment antipathique - pas de mammifères autres que les locaux et les touristes - les iguanes sont hideux, les tortues et autres animaux marins chlinguent que le diable, certes le sable est d'un blanc immaculé, bref un énorme mensonge, sauf pour les naturalistes...
    Moi aussi, je rêve du Baikal, mais j'ai peur d'être déçue ( la pollution, les moustiques surtout, l'eau glacée... ).De plus c'est un long voyage - plusieurs jours de train, car il n'est pas question de prendre les lignes intérieures russes - ( vous vous souvenez de l'Antonov cargo qui s'est écrasé sur les faubourgs d'Irkoutsk il y a dix ans - heureusement le gaz de ville était coupé depuis trois semaines, sinon... - une affaire de carburant frelaté semble-t-il... ).Peut-être certains rêves devraient-ils rester à l'état de rêves pour garder leur pureté... L'idée de servir de buffet de zakouski pour insectes voraces...

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  3. Lioudmila Zykina n'est plus.
    A défaut de Baikal, un peu de Volga ?
    www.youtube.com/watch?v=dt3AwWRN9tA
    ( comment met-on en lien dans les commentaires ?)

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  4. Bonjour Arunah !
    Iln'est pas possible, hélas, semble-t-il de mettre de lien dans les commentaires.
    La pollution du Baïkal est en nette diminution paraît-il. Le voyage en Transsibérien reste aussi un vieux fantasme !
    Assez d'accord avec vous sur le Galapagos. Le lien c'était juste pour indiquer la provenance de la photo.
    Pour Ludmila Zykina, vous venez de me l'apprendre... Que j'aime cette chanson !
    Les Russes ont vraiment un don particulier pour écrire des hymnes à la gloire de leurs fleuves, de leurs arbres, de leurs steppes etc.
    Avez-vous fait le vouyage fluvial Moscou- St Petersbourg ?

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  5. Non, pas encore ! Je le ferai quand je serai vieille. Les croisières sont des voyages plutôt plan-plan. Bien sûr, le voyage dans le Transsibérien est un rêve, mais il requiert au moins trois semaines de vacances ( toujours les vols intérieurs...). Quant à la faune, si je vous accompagne pour l'omoul fumé ( encore que je puisse me satisfaire d'un simple esturgeon fumé ou rôti, lui aussi créature antediluvienne ), le nez-à-truffe avec un ours fou et affamé est un plaisir que je vous abandonne.
    Avez-vous lu les relations de voyage en Russie et au Caucase d'Alexandre Dumas ? Chasse à l'ours à l'épieu, réceptions dans la haute aristocratie, rencontres avec des chefs caucasiens, formidables gueuletons, hordes d'admirateurs, aventures galantes, tout cela est troussé tambour battant, éblouissant, bref éminemment délectable. "Voyage en Russie" et "Voyage au Caucase", Alexandre Dumas, les deux publiés chez Hermann en 2002 sont toutefois indisponibles chez Amazon.
    Lorsque je me rendais en Russie pour des raisons professionnelles, c'était principalement Moscow, Kiev et Saint-Pétersbourg ( oui, oui, Kiev n'est pas en Russie ! )mais je n'ai jamais passé l'Oural ( Novossibirsk n'étant plus desservi par la Lufthansa, c'est niet ! )
    Si vous voulez plus de musique russe, vous en trouverez sur ma chaîne You Tube :
    www.youtube.com/arunah11, principalement dédiée à la culture russe mais pas uniquement.
    Mes amis russes à la peau délicate disent pis que pendre des moustiques sibériens, des anthropophages acharnés, jamais rassasiés... Souvenez-vous des filets de protection dans "Dersou Ouzala"...

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  6. Je n'ai pas lu les récits d'Alexandre Dumas, ils manquent encore à ma culture générale. Je pars très bientôt en vacances et vais donc laisser mon blog en sommeil un moment.
    J'irai sur votre blog sans faute.
    Je vous laisse un mail où vous pouvez m'écrire pour que je vous envoie les coordonnées de mon site qui a une page consacrée à la Russie, si cela vous intéresse.
    l.noel03@laposte.net (après noel, c'est un zéro trois et non un "o"trois)

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  7. Très beau texte, Léon ! Bravo ! Etrangement, le lac Baïkal et le transsibérien sont une obsession typiquement étrangère. Les Russes sont beaucoup plus mesurés. C'est dommage, car il faut sortir de Moscou, de Piter et de l'Anneau d'Or.

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