mardi 8 septembre 2009

Billie sings the blues

Je me suis toujours refusé à essayer d’interpréter le talent d’un musicien ou analyser ses œuvres à la lumière de sa vie privée.
Il s’agit toujours d’une piste décevante, qui donne l’illusion que l’on a compris quelque chose, mais en réalité qui éloigne de l’œuvre elle-même. Je me fiche éperdument de savoir que telle symphonie de Beethoven a été composée après une rupture amoureuse ou dans une phase de bonheur. Car, à ce compte-là tout le monde pourrait être Beethoven.

Pourtant, pour Billie Holiday, il me semble qu’ignorer sa vie c’est mal appréhender cette chanteuse, en perdre une dimension importante.
Celle que les spécialistes considèrent volontiers comme la meilleure chanteuse de jazz de tous les temps n’est pas a priori bien impressionnante et comprendre les raisons pour lesquelles un Miles Davis, un Frank Sinatra, un Louis Amstrong ou une Ella Fitzgerald lui ont voué une telle admiration n'est pas immédiat.

Une voix un peu voilée et plutôt sobre, peu puissante et qui doit beaucoup à l’utilisation du micro, un vibrato léger et de la justesse au niveau de l’exécution, c’est à peu près tout ce que l’on peut en dire sur le plan technique.
Ensuite, on s’étonnera chez cette très belle femme de la dégradation de ses traits puis de sa voix et on s’intéressera à sa vie. Un enfer qu’elle a raconté dans son autobiographie : « Lady sings the blues ».

Un enfer total, de sa naissance à sa mort. Plus ou moins abandonnée, maltraitée par sa famille, violée à l’âge de 10 ans par un voisin, prostituée par sa mère, alcoolique et lourdement droguée, escroquée, tabassée par ses hommes, endettée, emprisonnée… À côté, même la vie de Tina Turner ressemble à une bluette.

Alors, l’entendre et la voir chanter avec cette sobriété, cette malice, cette légèreté ou cette gravité, ce magnifique swing un peu traînant, on le prend à la fois comme une politesse exquise envers nous, celle de ne pas nous ennuyer avec ses histoires et, pour elle, une sorte de parenthèse de bonheur au milieu de ses souffrances.

La voici dans « My man » qui est à l’origine une chanson française composée par Maurice Yvain (1920) chantée par Mistinguett et Edith Piaf, entre autres, sous le titre « C’est mon homme ».



Également dans "Strange Fruit". Pour en savoir davantage sur cette chanson.




Janis Joplin, Maria Callas, Billie Holiday, trois divas aux destins douloureux qu'il m'a plu de réunir ici.
Je les aime toutes les trois.

1 commentaire:

  1. Il y a tant de douleur, de malheur dans cette voix, qu'à chaque instant c'est la peine qui domine quand on l'écoute.

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