samedi 27 juin 2009

Les idiots et le "génie" de Michael Jackson


La mort de Michael Jackson est l’occasion pour un certain nombre d’idiots de parler de son « génie » ce qui, tout de même, ne manque pas de m’interpeller...

Outre que le terme de « génie » ne peut désigner qu’une qualité rarissime, il faut affirmer avec force qu’elle est celle du non-reproductible. Si Mozart peut être qualifié de « génie » c’est parce que l’on est incapable de composer à sa manière, ne comprenant toujours pas comment sa musique est fabriquée.
A cette première considération il faut en ajouter une autre, qui devrait pourtant être évidente : le génie d’un individu a pour corollaire, en principe, qu’il soit (au moins au début), totalement incompris, ce qui est incompatible avec le succès planétaire des tubes de Michael Jackson…

Mais bon, le plus grave dans cette affaire, c’est que ses admirateurs inconditionnels tombent dans le travers classique d’une forme de relativisme culturel qui limite la qualité artistique d’une œuvre au fameux « j’aime » ou « j’aime pas ». Ce qui les conduit effectivement à la lier au succès commercial ou à l’intensité de l’émotion personnelle qu’elle leur procure, laquelle dépend au moins autant de l'éducation ou de l'état d’esprit du moment que de la qualité de l’œuvre.
Il faut tout de même affirmer avec force qu’en matière d’art, il en est exactement comme ailleurs : seuls des sociologues peuvent valider la qualité du travail d’un sociologue, seuls des scientifiques peuvent juger celui d’autres scientifiques.
En musique c’est exactement pareil : certaines œuvres peuvent plaire ( ou déplaire) à un plus ou moins grand nombre d’individus, cela n’a absolument rien à voir avec leur qualité intrinsèque, laquelle ne peut vraiment être validée que par d’autres musiciens. En d’autres termes il y a une objectivité de la qualité de l’œuvre d’art, n’en déplaise aux obsédés du marché…

On ne trouvera pas un musicien sérieux pour qualifier l’œuvre musicale de Michael Jackson de « géniale ».
D’abord, son œuvre digne d'intérêt est très restreinte... Seuls quatre ou cinq titres surnagent, et si l'on y trouve une utilisation intelligente des machines, synthétiseurs, boîtes à rythmes et autres sequencers, l’essentiel est dû aux arrangements et à la production de Quincy Jones avec quelques « gimmicks » qui sont probablement de lui.
Si l’on essaie de juger sur des critères "vérifiables", voici ce que l’on peut en dire : d’un point de vue mélodique c’est très élémentaire, peu élaboré, peu créatif. Harmoniquement c’est du niveau « guitariste débutant », trois ou quatre accords par titre, guère plus. Sur le plan rythmique c’est simple mais efficace. Sur le plan de l’interprétation vocale, en revanche, c’est enlevé, « pêchu », juste, très pro, rien à dire. Les arrangements, eux sont généralement impeccables et avec quelques vraies trouvailles.
Mais tout cela reste un peu court pour crier au "génie" sur le plan musical...

Reste qu’en tant que danseur, là, il a été vraiment formidable.
Mais s’il est à ce point adulé par toute une génération, c’est parce qu’il a été la concrétisation la plus exemplaire des pires dérives idéologiques et culturelles de ces années-là : la "starisation", la « variétisation » de la pop-music avec sa simplification pour les besoins du marché le plus large, le déplacement de l’écoute musicale vers la perception visuelle (avec comme corollaire son appauvrissement) en faisant de la musique un accessoire du clip. Michael Jackson, faut-il le dire, est contemporain du déferlement de l'idéologie néolibérale sur le monde qui a définitivement fait de la culture populaire une marchandise comme les autres, dont le seul valorimètre est le chiffre des ventes et l'argent qu'elle rapporte.

Non, il ne suffit pas d’être fêlé pour être un génie…

9 commentaires:

  1. Merci et bravo, Léon.
    Je crois que ces qualificatifs dythirambiques de génie, de roi et autres bêtises participent surtout de l'inflation sémantique qui sévit depuis quelques décennies. Quelque chose d'un peu grand est ainsi "géant" ou "énorme". Un joli talent - surtout lucratif - est au moins "génial", tandis qu'une personne un peu intéressante est "sublime".
    La langue française, comme d'autres, renouvelle son vocabulaire en affaiblissant les mots jadis très forts: il y a trois cents ans, être fâché ou blessé était véritablement terrible. Au XXIe siècle, le moindre quidam est un génie pour peu qu'il plaque trois accords de guitare ou chante un peu en rythme, même faux.
    Pour Michael Jackson, il faut bien dire aussi que la préparation d'artillerie publicitaire à chacun de ses albums a été d'une ampleur et d'une efficacité jamais vues; ses plus grands tubes ont été vendus comme des savonnettes, et comme tu le dis très bien, le clip est devenu non l'illustration de la chanson mais sa mise en scène permanente. La pub voulait qu'il fût un génie, les midinettes ont suivi.
    N.B. Je vais me faire autant de copains que toi...

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  2. Un génie ? Mais bien sûr ! Du marketing, s'entend. Le produit importe peu, ce qui compte, c'est l'emballage et la campagne de promotion suivie naturellement de colossales retombées commerciales. De plus, M.J. a su se mettre en scène, créer l'événement en agissant sur son corps, en se blanchissant donnant ainsi aux multitudes l'illusion de pouvoir améliorer leur sort. C'est là que se situe son génie ! Il y a certes eu quelques bavures et les résultats sont loin d'être probants, mais il a réussi à occuper la scène, à faire parler de lui par ses excès...
    Un très bon produit marketing, voire un génie...

    Tiens, Léon, vous avez sorti les poubelles ?

    Par ailleurs, y-a-t-il un espoir que vous reveniez au domaine russe où vous excellez ?

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  3. En fait, il existe d'autres styles de clip, par exemple celui-ci :
    http://www.youtube.com/watch?v=vkLE9jK06ic&feature=channel_page

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  4. Arunah, pour le domaine russe ce sera en fonction des humeurs, des lectures..
    Mais pour la poubelle, je l'ai dit ailleurs, je crois que c'est pour vous laisser la possibilité de supprimer votre commentaire si vous vous ravisez.

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  5. Je ne sais pas si je vais vous étonner, mais je ne crois pas. Je n'ai jamais écouté la musique de MJ. Je l'ai sans doute entendue, comme on entend Muzak dans un ascenseur, mais je n'ai jamais eu la curiosité d'en écouter... Il ne m'intéresse que comme phénomène social. Comme catalyseur du debat entre islamistes etcfondamentalistes aux USA il pourrait avoir un impact intéressant.

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  6. Pierre, j'ai lu effectivement votre billet, tout à fait intéressant. Mais comme vous le savez je suis aussi un ex-musicien et je ne pouvais laisser passer une certain nombre d'énormités le concernant...

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  7. Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.

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  8. Tous ces génies de la musique et de la poésie qu'on nous présente tous les jours à la télé et à la radio! "Artiste génial", "album génial"... Au moins, lorsque c'est en anglais et qu'on ne comprend pas tout, on ne se rend pas compte de la bêtise des paroles.

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