vendredi 23 avril 2010

Quand passent les cigognes

Je ne sais si je dois remercier Arunah de m’avoir rappelé cette chanson bouleversante que j'avais cru entendre dans le célebrissime film soviétique « Quand passent les cigognes ».
Certaines d'entre elles, par l'effet d'une magie inexplicable, sont capables de fédérer et cristalliser l'émotion de tout un peuple autour d'un malheur commun. Ici, il s'agit  des  morts, de l’hécatombe subie au cours de la 2e guerre mondiale.

 Il faut rappeler à quel point la population soviétique a été touchée : plus de 26 millions de morts, près de 14 % de le population (par comparaison l’Allemagne 10,5 % ou la France 1, 4 % ). Ce chiffre extravagant est d’ailleurs à l’origine, chez les Russes, d’une certaine incompréhension vis à vis de la shoah et ses « seulement » six millions de morts ( Pourtant proportionnellement encore plus meurtrière, 75% des juifs européens, 40 % des juifs du monde). Il n’y a pas eu une seule famille soviétique qui n’ai été touchée. Dans la mienne un grand-père fusillé par le nazis, un oncle qui repose dans la carcasse d’un sous-marin au fond de la Baltique, pour ne rester que dans la famille la plus proche.
Toute évocation en Russie des morts de la seconde guerre mondiale est terrible, et cette chanson au texte poignant, comme seuls les Russes savent les faire, déclenche chez eux, chaque fois, une très forte  émotion .
Il est à noter que le groupe Serebro (l’argent-métal) l’a reprise à un concours de l’eurovision de 2007 qu’évidemment la puissance de ce texte est totalement passée inaperçue.

Je vais m’essayer à la traduire (j’ai gardé la traduction inexacte de jouravli  en « cigognes », le mot « grues » ayant malheureusement en français un sens argotique inélégant :

Les cigognes 

Il me semble parfois que les soldats
Qui ne sont pas revenus des champs ensanglantés ;
Ne se sont pas couchés en nos terres, un jour,
Mais  sont devenus des cigognes blanches.


Depuis ces temps anciens
Ils volent sans cesse et crient vers nous.
N’est-ce pas pour cette raison que si souvent
En silence, avec tristesse, le ciel nous regardons ?


Elle vole dans le ciel la flèche fatiguée
Dans le brume, à la fuite du jour,
Et dans ce vol il y a un tout petit espace,
Une place pour moi peut-être !


Le jour viendra pour moi, avec le vol de cigognes,
De flotter dans la même brume bleue
En vous appelant, de sous les nuages, dans la langue  des oiseaux,
Vous tous,  que j’aurai laissés sur terre.


Il me semble parfois que les soldats
Qui ne sont pas revenus des champs ensanglantés ;
Ne se sont pas couchés en nos terres un jour,
Mais sont devenus des cigognes blanches...

Voici la très belle version, toute en retenue, du baryton sibérien, Dimitri Khvorostovski




Et celle du groupe "Serebro" qui l'a présentée au concours de l'Eurovision de 2007 et a terminé 3e. A mon avis  ce n'était pas le lieu idéal pour cela...