dimanche 17 janvier 2010

Quelques Baffes de Rachmaninov

Je voudrais reprendre un article sur Rachmaninov , ce compositeur, décidément, se révélant plein de surprises.

Pour des raisons assez obscures, Rachmaninov est un compositeur qui ne faisait pas partie de ma culture musicale classique de base.

Même si, comme tout le monde, je savais que l’indicatif de l’émission « Apostrophes » était un extrait de son concerto pour piano n°1, ( attention, c'est ici une version sans l'orchestre...) c'est « Variations sauvages » le livre d'Hélène Grimaud, qui m’a donné envie de m’y intéresser. Elle y raconte, entre autres, sa passion pour ce compositeur en des termes tout à fait stupéfiants et intrigants. La parole des grands musiciens sur la musique a d'autant plus de valeur qu'elle est rare...

Ce qui me fascine chez ce compositeur, c'est d'une part cette sorte de sauvagerie, très russe, au fond, que l'on trouve dans ses œuvres et, d'autre part, la virtuosité (terrifiante de travail et de contraintes), qu’exige leur exécution. Plus que pour Paganini, encore, ( auquel il a, comme par hasard, rendu hommage en reprenant et développant le thème de son caprice n°24) la virtuosité n'est pas là pour "faire de l'effet", elle est une composante essentielle de la construction originale de sa musique. Certaines de ses œuvres sont de véritables déluges de notes et les performances des pianistes lorsqu'ils les jouent sont hallucinantes.

Le 3e concerto pour piano, par exemple, celui que les musiciens appellent familièrement le « Rach 3 » est considéré, avec le 2e concerto de Prokofiev, comme l’œuvre pour piano la plus difficile à jouer du répertoire. Rachmaninov, lui-même, disait que lorsqu’il le jouait en concert, il était incapable de faire un bis à la fin, tellement il était épuisé physiquement…

On sent bien que c’est une musique qui impose une exigence au-delà de l’humanité ordinaire. Pour le pianiste évidemment, ( c’est sans doute ce qui fascinait Hélène Grimaud), mais aussi (dans une bien moindre mesure, il est vrai) pour l’auditeur. Il n’y a pas à dire, et pour parler familièrement, ce n’est pas une musique pour blaireau…
On est assez près de la musique contemporaine atonale mais, bizarrement très loin également. J'éprouve le sentiment d'être devant un paroxysme de romantisme, plus que devant une quelconque transgression de celui-ci...
Fasciné par ses œuvres, je suis rentré depuis quelques temps dans un véritable tunnel Rachmaninov et pas près d’en sortir. Comment ai-je pu vivre jusqu’ici sans le connaître autrement que de nom ?

J’ai trouvé sur You-Tube un morceau qui est une illustration parfaite et presque caricaturale de la manière de Rachmaninov, l’étude opus 39 n°6. (Elle permet, au passage d’entendre les extraordinaires basses d’un Bösendorfer…) C’est fascinant comment derrière la brutalité du morceau se glissent des moments de grâce harmonique, comme cachés au milieu de la véhémence du reste…


Si on a eu la curiosité d’écouter jusqu’au bout, on appréciera mieux le morceau suivant, l'opus 23 n°5 par la même virtuose ukrainienne Valentina Lisitsa. Morceau presque aussi violent que le précédent, mais beaucoup plus abordable à l'écoute grâce à un thème que l’on retient facilement et qui permet de s’y retrouver.


Il y a parfois des rencontres étranges : le hasard a voulu que je tombe sur ce même morceau illustré par sa partition (Interprété par Richter). Je suis très impressionné par sa beauté formelle, graphique. Elle a quelque chose d'extraordinairement organisé, construit. On apprend beaucoup sur une musique à regarder sa partition, même si l'on ne sait pas la lire. On peut, comme ici, y repérer sa limpidité ou, comme dans les partitions de Mozart la complexité.



Et je propose enfin ceci. Là, un pur bonheur musical, mais qui reste sous une forte tension à cause de cette main gauche ultra-rapide. On se demande comment le pianiste n’a pas cette main paralysée à la fin du morceau…


Je suis frappé par les attitudes physiques semblables de ces deux pianistes qui se lèvent presque de leur siège comme pour se donner ( ou transmettre ?) encore un peu plus d'énergie à leur exécution.

Attention, Rachmaninov= drogue dure...



Mais on peut rire aussi de cette virtuosité imposée : comment un pianiste qui a les mains trop petites pour jouer du Rachamaninov est obligé de se débrouiller....

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire